Paulette et Jean Pierre, deux membres de la communauté de voyageurs d’Altiplano Voyage nous font le récit de leur circuit entre l’Ile de Chiloé et la Route Australe en Novembre 2017.
Ce couple de retraités est habitué à parcourir les contrées lointaines, à la recherche de dépaysement et de rencontres avec les locaux. Un voyage longuement murit qui débute mi-novembre 2017.
Leur objectif est restreint par rapport à l’immensité de ce pays et vise plus particulièrement à découvrir la Patagonie du nord, plus précisément la Route Australe précédé de quelques jours sur l’ile de Chiloé. En réalité ce fut deux voyages bien différents qu’ils nous racontent : l’un plus proche du tourisme traditionnel, l’autre, la « Carretera Austral » tient plutôt de la découverte, de l’aventure.
« Le voyage commence par les longs trajets obligés en avion : Paris- Madrid, Madrid- Santiago et le prolongement vers Puerto Montt, soit près de 21 heures ! Au passage un superbe survol de la Cordillère de Andes.
À Puerto-Montt nous prenons possession de notre premier véhicule : le tout venant de ce qui circule dans le pays : un pick-up et rejoignons rapidement notre hébergement à Puerto Varas, station touristique sur le bord du lac Llanquihué, pour récupérer de la fatigue de cette longue approche.
Nous découvrons donc en premier lieu le sud de la région des lacs (Lagos) elle nous réserve un temps frais et couvert : petite pluie et brouillard ce qui ne nous empêchera pas de faire un circuit dans ce secteur où se mélangent lacs, montagne, mer. Cette journée me permet de prendre en main le véhicule en découvrant déjà la conduite sur piste : seules les routes importantes sont goudronnées ! Nous n’apercevrons les deux volcans qui dominent cette région qu’à notre retour de Chiloé mais la vue de ces deux cônes enneigés est vraiment saisissante. On est dans un autre pays !
Cap sur l’île de Chiloé !
Notre programme comporte trois jours sur de l’ile de Chiloé. En comparaison de ce que sera la suite du voyage, ce circuit nous apparait moins dépaysant. L’intérieur de cette ile se présente comme une région aux espaces larges, faits de collines, parsemé de bosquets, de prairies où domine l’élevage mais aussi la culture de la pomme de terre !
La côte ouest celle du Pacifique, est battue par les vents, peu habitée, on y trouve le Parc National de Chiloé, réserve naturelle. La côte est, plus accidentée s’ouvre sur le golfe d’Ancund. Elle abrite de nombreux petits villages de pêcheurs : Quemchi qui a vu naître Francisco Coloane, ou plus bas Dalcahué. On les atteint souvent par une petite route « plongeant » brusquement vers la mer et les maisons de bois du port. Et puis, bien sûr, il faut voir la « capitale » Castro avec ses pittoresques quartiers sur pilotis (les palafitos) construits au-dessus de la mer et sa cathédrale jaune au milieu de la grande place. Dans de nombreux villages comme Conchi, on trouve de petites églises en lattes de bois qui constituent une réelle curiosité. Certaines sont classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. De nombreuses maisons sont encore construites avec ce matériau.
À l’ouest de l’ile, Ancud, la ville du nord, gros port de pêche, était particulièrement en effervescence le jour des élections présidentielles. De là on peut découvrir deux points intéressants : en longeant la côte vers le nord, après quelques kilomètres de piste, on trouve le village de Caulin qui se consacre à la culture des moules (énormes !) et des huitres toutes aussi impressionnantes par leur taille ! A cela s’ajoute l’observation d’oiseaux comme le cygne à col noir et le « bec en ciseaux ».
Vers le sud, nous atteignons par une petite route en corniche la réserve nationale de Punihuil qui protège, entre autres, le site de reproduction d’une importante colonie de pingouins. Malgré les inquiétantes informations concernant le risque de tsunami, on ressent dans l’ile de Chiloé, largement ouverte au tourisme, berceau de nombreuses légendes, une impression de calme de sérénité, et elle paraît aujourd’hui moins sauvage que ne le décrit Fr. Coloane !
« Nous l’avons fait ! »
La poursuite de notre voyage nécessite un retour à Puerto-Montt pour rejoindre, sur la côte du continent, Chaiten où nous attend notre second véhicule. Pour cela c’est un petit avion-taxi qui nous fera faire ce saut au-dessus du golfe de Corcovado. En fait, la Route Australe (la Ruta 7) démarre bien de Puerto Montt, mais elle est interrompue au bout de 45 km et nécessite pour la poursuite vers le sud une traversée en bateau … ou un détour par l’Argentine. On ne circule pas ici comme partout ailleurs !
Descendus à Chaiten, nous sommes à pied d’œuvre pour entreprendre un périple que les guides touristiques et les autres informations nous indiquent comme « difficile » mais qu’est ce que ça veut dire ? Une route avec très peu de secteur asphalté ? Que de la pierre ? Des passages périlleux ?
Et bien cela s’avérera vrai et d’une réalité encore supérieure à ce qui avait été annoncé, mais comme l’a dit un couple d’italiens rencontré à plusieurs endroits : « nous l’avons fait » ! Donc ce n’est pas impossible ! Les nombreux secteurs en travaux ne facilitent pas la circulation et à un endroit l’effondrement de la voie nécessite même un transbordement par bac !
À Chaiten nous prenons donc possession de notre véhicule : un Mitsubishi L 200, 4X4 délivré dans des conditions surprenantes : Felipe, notre contact local, nous donne les clefs, constate que le plein est fait et déclare : « Vous le déposerez à l’aéroport de Balmaceda, bon voyage, soyez prudents, roulez doucement ! » Du traditionnel contrôle de l’état du véhicule, de contrat de location, de dépôt de caution, rien !
En route vers le bout du monde !
Nous voilà partis pour cette aventure vers le grand sud. Je l’avais retenu dans mes projets de voyage comme un « rêve », une sorte de challenge, un défi (peut-être un peu prétentieux !) : aller dans une région très isolée où peu de touristes vont : au bout du monde. Mais cela n’a rien d’un raid à la Paris-Dakar. Cette route est celle qu’emprunte tous les jours les habitants de la région. La seule différence est que, nous « occidentaux », ne sommes pas habitués à rouler dans les conditions que nous allons devoir supporter.
Il est vrai que les 1500 km que nous avons fait sur cette route, la presque totalité par une piste rocailleuse, en montées et descentes vertigineuses, m’ont donné quelquefois des sueurs froides ! Il n’est guère possible de retransmettre les impressions ressenties. Deux passages m’ont cependant particulièrement marqué par leur aspect impressionnant : les 100 km de piste entre Puerto Guadal et Chili Chico et à moindre niveau ceux pour rejoindre Villa O’Higgins à partir de Tortel. Pourtant, pour beaucoup, parcourir cette route est un véritable « challenge » : il s’agit de rejoindre Villa O’Higgins en moto pour certains et en bicyclette pour d’autres : une prouesse, un défi qu’on vient faire même de France. Quand je me rappelle la difficulté à négocier certains passages en 4X4, je souffrais pour eux qui pédalaient sur ce terrain ! Mais la route en elle-même n’est qu’un aspect « technique » du voyage !
Un paysage à couper le souffle.
La découverte la plus importante de ce périple c’est le paysage, le cadre dans lequel nous circulions : impossible à faire partager oralement ou par écrit. Seules les photographies peuvent donner une image de ce qu’est la Cordillère des Andes. Montagnes bien sûr, d’une altitude « moyenne » de maximum 4000 m. mais surtout une suite de sommets enneigés, de glaciers, de lacs et de forêts. Chaque virage, chaque haut de côte permet d’avoir une nouvelle surprise. Être toujours entourés de pics neigeux : c’est une réalité qui nous poursuivra durant tout ce voyage. À proximité de Puerto Guadal nous longeons le « campo de hielo norte » : un glacier de 4200 km2 (120 km de long sur 50 km de large). Plus bas sur la route après Villa O’Higgins c’est le « Campo de hielo sur » que l’on aperçoit au loin, le plus grand d’Amérique du sud, 16800 km2 (plus 350 km.de long !)
Dans ces contrées lointaines, l’absent, c’est l’homme.
Depuis notre départ de Chaiten (ravagé en 2008 par une énorme coulée de cendres émanant du volcan proche) nous n’avons traversé que des bourgades de quelques centaines d’habitants. Elles font office de points de ravitaillement le long de nos étapes qui ne dépassaient pas 200 km faits le plus souvent à une moyenne de 40/45 km à l’heure ! On prend le temps de regarder le paysage sans pour autant quitter la route des yeux car les « pièges » sont nombreux : passages en « tôle ondulée », virages creusés, et bord de route à surveiller constamment : le ravin est toujours proche !
Les guides et informations touristiques ont tendance à nous parler « de charmants petits villages nichés au fond d’une vallée, d’un port … » Ce n’est pas le terme approprié, même si certains correspondent : la réalité est souvent différente.
Nous avons souvent été surpris par le dénuement dans lequel vit une certaine partie de la population. Par quelle volonté ces gens peuvent-ils s’attacher à une terre aussi ingrate ? On se demande de quoi peuvent-ils vivre ? D’un peu d’élevage, de l’exploitation du bois qui entraine une déforestation importante et semble peu contrôlée. Le tourisme reste encore une ressource sécurisante. L’aspect des villages avec leurs petites maisons construites en planches souvent moins que modeste augmente cette sensation. Et pourtant les gens semblent heureux, conviviaux, ouverts. Il faut rappeler que la continuité de cette route australe est très récente et on doit le désenclavement de certains villages à la volonté de Pinochet (hélas oui !) d’avoir prolongé cette voie le plus loin possible pour désenclaver cette région.
Sachons aussi que la « Carretera austral » ne débouche sur rien : à Villa O’Higgins ; c’est la fin : un fond de fjord d’un côté et un glacier de l’autre ! Parvenu à ce point il faut rebrousser chemin ! On ne peut atteindre la Patagonie sud (Punta Arenas) que par une autre voie passant par l’Argentine. On est alors vraiment au bout du monde ! Nous avons donc repris la même route en sens inverse jusqu’à Puerto Guadal découvrant ainsi les paysages sous un autre angle !
La densité de la population est évidemment très faible (la région d’Aysen n’a qu’un habitant au km2 !) et les seules fermes que nous rencontrons sont très espacées d’où la surprise de croiser sur la route de vrais « gauchos » qui vont rassembler les troupeaux de bétails, lasso accroché à la selle. Malgré ces rencontres l’impression de vide « humain » est saisissante. C’est la seule route existante dans la région et pourtant la circulation y est rare : peu de locaux et très peu de touristes ce qui augmente la sensation de solitude, d’être très loin du monde habité.
Notre parcours nous a fait traverser quelques villages, deux bourgs plus importants et une seule vraie ville : Coyhaique où nous avons passé une nuit dans un B&B charmant mais le lendemain un dimanche la ville était déserte ! (nous avons évité Puerto Aysen port peu touristique)
Nos haltes du soir, quelquefois éloignées d’un village, ont été vraiment très surprenantes mais aussi très agréables : par deux fois des « lodges » de standing, au bord de lacs : Yelcho et El Pangue, constructions modernes toute en structure bois, large baies vitrées, grande salle commune chauffée par un énorme poêle. Nous avons aussi été hébergés dans notre propre « cabanas » ce qui n’est pas le terme approprié car il s’agissait plutôt de petits chalets coquets bien équipés où l’on pouvait faire sa propre cuisine. Une fois, nous avons logé dans un studio installé dans un arbre (à Terra Luna) dominant le lac.
Tortel, un autre site, nous à doublement surpris d’abord par son cadre et par son approche. En effet c’est un village côtier qui s’étage le long de la paroi rocheuse mais où l’on ne circule que sur des passerelles piétonnières en bois, au-dessus de la mer, d’où il faut monter des centaines de marches pour accéder à notre gîte ! Les véhicules restent sur un parking en haut du village et on ne se charge que du minimum pour la nuit !
Mais quelque soit le lieu, l’accueil a toujours été chaleureux, sans trop de problèmes de communication, malgré notre méconnaissance de la langue : nous nous sommes toujours compris et avons pu échanger. À El Pangue, nos hôtes n’ont pas oublié mon anniversaire !
Peu de touristes sur la Route Australe ?
Certes on ne peut comparer avec Chiloé (peut-être étions nous un peu tôt dans la saison ?) mais il existe au-delà du paysage, des sites recherchés et rendus plus facilement accessible qui sont proposés à partir de Coyhaique grâce à l’aérodrome de Balmaceda. Outre Tortel et son circuit de passerelles et ses escaliers, on peut rejoindre Rio Tranquillo d’où une flottille de bateaux vous propose de découvrir sur le bord du lac Carrera les curieuses grottes et concrétions calcaires baptisées « chapelle de marbre ».
D’ici aussi, par une nouvelle piste (85 km), on atteint un point d’embarquement qui permet de découvrir (en bateau) la célèbre falaise du glacier St-Raphael. D’ailleurs ce type d’attraction, ici comme plus au sud à Villa O’Higgins, est un atout important dans le développement du grand tourisme. Et puis les lacs regorgent de truites et de saumon : de quoi attirer les mordus de la pêche. Cette région possède donc des atouts potentiels à exploiter.
Ce lac (le second plus important de l’Amérique du sud), avec ses eaux turquoise et son cadre de montagnes neigeuses est en lui-même un site remarquable. Plus au sud, le Rio Baker vous invite à partager de terribles émotions en descendant son cours tumultueux en rafting. De son côté Philippe de Terra Luna, à P.Guadal, vous propose de remonter ce même torrent en « jet boat » jusqu’au glacier du lac Léones. On vous proposera aussi le survol du glacier en hélicoptère ! Mais pour l’instant le tourisme n’a pas encore perturbé le caractère sauvage de cette région.
Un circuit à notre image !
Nous avons particulièrement apprécié la qualité des hébergements, leurs diversité, leur coté simple, sympathique, ainsi que l’accueil du personnel ou de nos hôtes. Le touriste habitué au service hôtelier traditionnel (ce n’est pas un aspect négatif !) sera sans doute souvent surpris de ne pas trouver ce à quoi il s’attend ! C’est vrai : personne pour monter votre valise à l’étage, ou pour la tirer dans le petit chemin pentu qui vous mène à votre lodge ! Et puis si vous voulez avoir chaud dans la chambre, il vous faut vous même allumer le poêle (le bois est prêt !). Mais cela aussi donne un caractère particulier au séjour : c’est une autre façon de voyager, plus proche de nos idées.
Ces éléments donnent un caractère particulier au voyage au-delà de la « qualité » des paysages traversés. Il ne s’adresse pas, à mon avis, au touriste habitué des grands circuits organisés. Il faut être très motivé, passionné de nature vierge, pour parcourir des centaines de km dans des conditions de conduites difficiles, dans un entourage sauvage, âpre, souvent vide mais combien prenant. Un regret, le peu d’intérêt porté localement à la connaissance des peuples « premiers » : on ne découvre bien la civilisation des « Mapuches » qu’à Santiago !
Mais agréable surprise : ce voyage s’est déroulé par des conditions climatiques parfaitement supportables !
Parcourir la Route Australe en Patagonie, c’est surtout faire la découverte d’une région, encore préservée d’un tourisme de masse qui a gardé son caractère « primaire ». Quand la « carretera austral » sera une route goudronnée avec de grands hôtels implantés sur le bord des lacs et des remontées mécaniques sur les montagnes, je n’y retournerai pas !
Merci à Paulette et Jean Pierre pour ce récit de leur voyage au Chili. Découvrez plus d’informations sur le circuit réalisé :
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